Marshall Rosenberg était un : ychologue américain (1934-2015) qui a acquis une renommée internationale grâce à la création et au développement d’une nouvelle technique de communication, connue sous le sigle CNV : Communication Non-Violente.
Le nouveau mode de communication mis au point par Rosenberg lui valut de nombreux résultats positifs et très encourageants dans des collectivités réputées « à problème », notamment en milieu carcéral et dans des zones scolaires dites « à risque » aux USA. Suite à cette cascade de résultats hors-norme, il fut appelé à intervenir dans diverses régions du monde, ce qui permit à la CNV d’obtenir la renommée que nous lui connaissons aujourd’hui, avec des formations disponibles dans le monde entier.
C’est ce mode de communication non-violente qu’il décrit et explique dans cet ouvrage.
« Lorsque nous écoutons, nous n’avons besoin ni de connaissances en: ychologie, ni de formation en: ychothérapie. L’important, c’est de savoir être présents aux sentiments et aux besoins spécifiques que ressent un individu ici et maintenant. »
Qu’est-ce que la CNV ?
C’est une forme de communication qui se veut avant tout empathique – envers soi-même, et par rebond, envers les autres. C’est une forme de communication empathique et non-jugeante, qui :
- s’éloigne des impératifs imposés par les exigences ultra-compétitives de la vie moderne
- qui cherche à éviter ou résoudre les conflits
- qui veut revenir à des modes de communication plus humains, plus instinctuels, plus proches de nos besoins profonds.
Selon Rosenberg, la CNV passe avant tout par une écoute empathique envers soi-même. En effet, se relier à soi-même avec bienveillance est une étape absolument nécessaire avant de pouvoir être bienveillant avec les autres. Une personne qui ne satisfait pas ses propres besoins ne sera pas en mesure de répondre à ceux des autres – ici réside, selon l’auteur, la principale cause du manque cruel de communication dont souffrent tant de collectivités en général, et d’individus en particulier.
Écouter nos émotions – un nécessaire déconditionnement
Pratiquer la CNV s’apprend, et se développe avec la pratique et l’expérience. Dans nos sociétés modernes, ce n’est pas quelque chose d’inné qui se fait naturellement – en revanche, dans certaines tribus qui suivent encore des modes de vie plus proches de la vie primitive, l’écoute des besoins est loin d’être une inconnue. Pour Rosenberg, pratiquer la CNV passe obligatoirement par un déconditionnement de ce à quoi nous avons toujours été habitués. En effet, notre culture sociale (et souvent familiale aussi) nous a habitués par exemple à penser que l’autre a forcément tort. Pour la plupart d’entre nous, nous avons aussi été éduqués dans une « culture du reproche », une « culture de la critique ». Les religions, la culture scolaire, sont autant d’endoctrinements qui apprennent généralement à refouler les émotions, notamment la tristesse et la colère, à ne pas les écouter, à ne surtout pas les laisser s’exprimer au grand jour. Pour Rosenberg (et pour bien d’autres auteurs qui se sont penchés un minimum sur le développement de l’être humain), il faut au contraire accepter ces émotions, ne surtout pas les nier ou les enfouir, mais bien chercher à comprendre ce qui nous arrive et ce qui les provoque (quel besoin en nous a créé l’émotion). Il est primordial de ne plus nous focaliser sur nos acquis comportementaux, mais bien au contraire de nous connecter à nous-mêmes, et de nous concentrer sur nos propres besoins : il faut cesser de juger les autres, et s’écouter soi, en comprenant quel manque en nous nous conduit à avoir un comportement jugeant envers l’autre, au lieu de simplement écouter ce qu’il a à nous dire. Ceci est la fonction première des émotions, c’est ce pour quoi elles sont faites : nous inciter à écouter nos propres besoins. Afin d’être à l’écoute de nos besoins, il faut donc être à l’écoute de nos émotions. Cela implique de savoir les connaître, les nommer, les identifier : voilà de quoi réviser les priorités et contenus de bien des programmes scolaires…
Identifier le besoin derrière l’émotion
Lorsque l’on sait identifier nos émotions, il convient de se demander quel besoin elles expriment. Ainsi, il est utile de chercher le besoin insatisfait derrière la colère, par exemple : la colère est une expression déformée de nos besoins insatisfaits. C’est une énergie destructrice au sens où elle nous coupe de l’écoute de nos besoins. Il est important de lutter contre l’impulsion qu’elle provoque, et de se mettre à l’écoute de ce qu’elle cache : « Notre colère ne résulte pas des actes des autres, mais de l’évaluation qu’on en fait ». Une prise de conscience s’avère nécessaire : notre interprétation des actes de l’autre influence nos sentiments. Ces pensées liées à la colère poussent à la violence, coupent de la vie et d’une possibilité d’évolution, en bloquant la coopération. Afin de stopper la colère, il est essentiel de rechercher le besoin non assouvi qui se cache derrière cette émotion. Il faut donc écouter notre cœur (qui lui aussi, soulignons-le et ne l’oublions pas, possède des neurones) et arrêter de formuler des jugements sur les autres : les jugements/critiques sur les autres ne sont rien d’autre – d’après Marshall Rosenberg – qu’une expression déformée de nos besoins insatisfaits. Les jugements et critiques sont néfastes : ils ne nous aident en rien, et mettent les autres sur la défensive, bloquant ainsi toute forme de coopération. Émettre un jugement ou une critique ne répond en rien au besoin qui se cache derrière. En revanche, cela attise les conflits. Écouter notre cœur, c’est aussi se libérer d’un autre conditionnement : celui de la peur. Cela nous permettra d’agir et de parler en étant mus par nos convictions et nos besoins profonds, plutôt que de parler dans la crainte de … (punition, sanction, ne pas plaire, etc). Dans cette optique, le besoin d’un nouvel apprentissage se fait jour, qu’il serait bon de développer dans les programmes scolaires au même titre que les apprentissages liés à la connaissance des émotions : la connaissance des besoins. Rosenberg insiste notamment sur le besoin pour tous d’enrichir le vocabulaire afférent aux besoins et aux émotions. Lorsque ces étapes sont franchies, nous sommes à même d’éprouver plus de compréhension et d’empathie pour l’autre – parce qu’on a réussi à le faire pour nous-mêmes. Lorsque nous comprendrons mieux les autres, ils seront plus à même de nous comprendre à leur tour.
Quelles sont les étapes essentielles pour une écoute empathique ?
En résumé, la CNV c’est donc :
- être à l’écoute de nous-même et ne pas nier nos besoins
- s’exprimer avec sincérité
- favoriser un échange authentique et empathique
- réellement écouter l’autre : quels sont ses besoins ?
Cette écoute empathique passe par quatre étapes essentielles :
- Observation : que dit ou fait l’autre et comment est-ce que nous y réagissons ?
- Sentiment : quel sentiment cela éveille-t-il en moi ? (attention à bien distinguer entre sentiment et interprétation, il est primordial de bien être à l’écoute de nous-mêmes, afin de pouvoir être pleinement à l’écoute de l’autre)
- Besoin : quel besoin se cache derrière l’expression de ce sentiment ?
- Demande – comment pourrais-je satisfaire ces besoins ? comment amener l’autre à satisfaire ces besoins ?
Quelques principes fondamentaux en CNV, exposés dans « Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs) » :
Comment améliorer notre communication en général, notre CNV en particulier :
- Analyser une situation sans l’évaluer, sans émettre de jugement
- Identifier quel.s sentiment.s cette situation dégage en nous ? (colère, frustration, perte de contrôle, etc)
- Quel besoin est à l’origine de ce.s sentiment.s ?
- Demander à l’interlocuteur de réparer la situation en lui faisant part de notre besoin
Qu’est-ce qui entrave nos procédés de communication – qu’est-ce qui fait que notre mode de communication est aliénant – et comment au contraire adopter un mode de communication bienveillant :
- Tout jugement est moralisateur, accusateur, et subjectif : c’est uniquement notre propre point de vue qui s’exprime, influencé par nos besoins inassouvis
- Faire des comparaisons
- Fuir des responsabilités ou rejeter la faute sur autrui : avec des expressions telles que « ce n’est pas ma faute », « je n’y peux rien », etc
- Avoir des exigences, un style de communication qui induit une injonction, et qui d’emblée agresse l’autre.
Comment répondre à une agression/gérer un conflit :
- Reconnaître notre faute et s’excuser
- Rejeter la faute sur l’autre
- Exprimer notre propre sentiment sur la situation ainsi que nos besoins, et en faire part à l’interlocuteur
- Faire preuve d’empathie pour l’interlocuteur. Écouter son sentiment, le reconnaître.
Savoir exprimer ses sentiments, que ce soit de l’ordre de la gratitude comme de celui de la colère – tout sentiment doit pouvoir être exprimé
- Expliquer comment la personne a contribué à notre sentiment
- En quoi le comportement/les paroles de l’autre ont-ils satisfait ou non notre besoin ?
- En quoi la réalisation de ce besoin influe sur nos sentiments ?
Pour formuler une demande :
- Utiliser un langage positif
- Exprimer clairement notre besoin
- Expliquer comment notre interlocuteur peut contribuer à la satisfaction de ce besoin
Anne-Catherine Proutière, fondatrice du blog « Pédagogies alternatives en liberté », pour Pass éducation