Un premier constat est observable, nous vivons dans un pays d’institutions : les IME (Instituts Médico-Sociaux), les ITEP (Instituts Thérapeutiques Educatifs et Pédagogiques), unités localisées pour l’ULIS (Les Unités Localisées pour l’Inclusion Scolaire), SESSAD (Service d’Education Spéciale et de Soins A Domicile) etc…
En fonction du handicap de l’enfant, celui-ci est « placé » dans l’une ou l’autre case et malgré une tentative d’inclusion qui n’est autre que de l’intégration avec l’ULIS école, les enfants en situation de handicap ne sont pas « mélangés » avec les autres enfants dits « ordinaires ».
Certains diront que ces enfants doivent être inclus totalement au sein de notre société et donc avoir la possibilité d’être en classe avec tous les autres enfants comme en Italie où l’enfant, quelle que soit la sévérité du handicap, est scolarisé, où tout est mis en place pour accompagner dignement l’enfant, pas d’instituts, pas de cases. D’autres diront que pour l’épanouissement des enfants en situation de handicap, il vaut mieux qu’ils soient placés en institution avec du personnel formé et du matériel spécifique que n’offre pas l’école ordinaire et pour éviter de ralentir les autres élèves évalués et en compétition permanente. D’autres choisiront de relever leurs manches et d’instruire leur enfant en situation de handicap à la maison. Les parents deviennent alors soignants, enseignants, pédagogues,: ychologues etc…
Cette dernière solution est-elle un avantage ou un inconvénient ?
Commençons par la partie la moins agréable (quoique) : un enfant en situation de handicap, que ce soit un enfant avec des troubles des apprentissages (DYS, TDA/H, Déficience intellectuelle…), avec un fonctionnement différent (autisme, haut potentiel etc…), porteur d’un handicap physique,: ychique etc… a un besoin indispensable de soins, d’attention particulière, de méthodologie spécifique etc…
Comment un parent, voir même toute une famille peut remplir toutes ces conditions ? L’enfant en situation de handicap a un besoin indissociable avec son statut d’enfant (parce qu’il est d’abord un enfant) c’est l’amour ! Pensez-vous qu’il trouvera beaucoup d’amour au sein d’une institution ?
Instruire son enfant en situation de handicap à la maison demande au(x)parent(s) de se former au handicap de son enfant, c’est-à-dire financer avec son propre argent une voire des formations plus ou moins longues, plus ou moins onéreuses, plus ou moins accessibles géographiquement. Cela demandera aussi d’organiser sa vie autour de l’enfant, sans pour autant s’oublier soi-même, ça demandera un certain effort financier alors même qu’un des deux parents ne pourra plus aller travailler (parce qu’en France, le statut d’aidant n’est pas reconnu comme un « métier »), ça demandera d’énormes sacrifices pour le reste de la fratrie qui devra accepter le choix des parents qui eux, ne devront pas « oublier » leurs autres enfants qui auront besoin davantage d’attention afin de ne pas se sentir exclus. Cela demandera un solide lien entre les deux parents pour tenir sur la durée car ils n’obtiendront pas beaucoup de soutien de leur entourage même proche. Le handicap en France est encore tabou, mal connu et souvent pointé d’un doigt accusateur lorsqu’il s’agit un trouble cognitif comme leTDA/H qui laisse penser que l’attitude de l’enfant est due à une mauvaise éducation de la part des parents.
Mais alors, face à tous ces « dangers », comment des parents peuvent-ils tout de même avoir « envie » d’instruire leur enfant en famille ?
Il existe des parents qui n’ont pas le choix car il n’existe pas assez de place en institut, parce qu’il n’y a pas d’AVS pour leur enfant à l’école, ou pire parce que certaines écoles ne veulent pas de leur enfant, ces parents n’ont pas le choix que de garder leur enfant à la maison. Est-ce qu’ils mettront tout en place dans leur foyer afin de rendre la vie de leur enfant la plus heureuse possible et lui permettre d’atteindre une certaine autonomie ? Tous n’en sont pas capables, il faut l‘avouer. Non pas par manque d’amour pour leur enfant mais par manque de soutien provenant de l’extérieur, par manque de moyens financiers. Pour ces parents-là, ce n’est pas un choix, c’est une contrainte qui les oblige à faire le deuil d’une vie qu’ils s’imaginaient avant d’avoir un enfant en situation de handicap à la maison. Ces parents souvent s’associent et demandent à l’Etat plus de prises en charge, plus de moyens pour inclure leur enfant dans les écoles et dans les instituts. Certains se battront pour une inclusion totale au sein de la société, d’autres réclameront encore plus de places dans les instituts où chaque enfant sera cloisonné selon son handicap, qui ne tissera pas de liens avec ses pairs (les autres enfants de son âge) relégué bien souvent comme une charge dont l’Etat ne sait pas quoi faire (parce que « non productif ») comme c’est le cas avec les personnes âgées.
Et puis, il existe des parents qui face à l’inertie de l’Etat français à agir, face au manque d’ouverture d’esprit de la société, face à cette catégorisation de l’humain font le choix d’instruire leur enfant en situation de handicap à la maison. S’ils ont la chance d’être encore en couple, ils s’organisent. L’organisation est extrêmement importante et encore plus lorsque la famille est monoparentale.
Un seul salaire, une pauvre allocation provenant de la MDPH doivent être minutieusement gérés pour faire face aux besoins de toute la famille. L’argent n’est pas le seul moteur ! N’oublions pas, que ce qui ressort souvent de ces familles, c’est l’amour qu’elles dégagent et pas seulement pour leur enfant en situation de handicap mais pour les Autres. Leur chemin de vie est souvent tout tracé en direction d’un humanisme sans faille. Un plaisir sans nom est éprouvé lorsque nous les approchons. Un art de vivre, une façon de penser qui fait du bien, qui recharge les batteries et qui permet de relativiser les problèmes qui n’en sont peut-être pas au final.
Ces familles puisent leurs ressourcent dans l’Amour et ne voient pas les inconvénients à vivre H24 avec leur enfant en situation de handicap mais voient tout ce que cela leur apporte en terme d’épanouissement spirituel, un peu comme ceux qui choisissent de vivre de façon minimaliste pour participer à la survie de notre planète. Souvent, autodidactes face au handicap de leur enfant, ils éprouvent cette fierté d’avoir accompli tant de choses, d’avoir combattu sans relâche face aux préjugés et surtout constatent tous les jours les progrès de leur enfant. Ces parents-là éprouvent comme tous les autres des moments difficiles cependant, ils ont cette faculté à rebondir et à retenir seulement le positif grâce au cercle vertueux qui est l’Amour d’autrui le fait de croire de façon philosophique qu’ils sont sur Terre pour une bonne raison et que ce n’est pas le fruit du hasard s’ils croisent la route du handicap (qui n’en serait peut-être pas un si nous avions tous cette faculté à aimer profondément les êtres humains que nous sommes).
Delphine Bessière, pour Pass éducation