Phobie scolaire et hypersensibilité

L’hypersensibilité est un trait de caractère qui correspond à une sensibilité plus haute que la moyenne. Elle peut être émotionnelle, sensorielle (olfactive, auditive…). Elle est souvent le signe d’une grande intelligence émotionnelle. Une grande source de créativité et de capacités émotionnelles précieuses, l’hypersensibilité peut devenir un atout dans la vie lorsqu’elle est respectée et apprivoisée. Cependant, force est de constater qu’à l’école où la liberté s’arrête aux seules consignes dictées par l’enseignant même dans les matières dites « créatives » comme la musique, les arts plastiques, cette hypersensibilité est trop peu mise en avant voir même brimée.

Je me souviens qu’au lycée, lors d’un atelier en arts plastiques, je me suis vue perdre 4 points sur un travail parce que j’avais utilisé une couleur qui n’était pas « belle » visuellement d’après mon professeur. J’avais obtenu 16 au lieu de 20. Je me rappelle que ce n’était pas la note qui m’avait interpellée mais plutôt le fait que je ne comprenais pas en quoi la couleur ne plaisait pas, j’avais mis du temps et du cœur à l’ouvrage. Cette couleur, je l’avais imaginée et créée.

Outre le fait, que l’hypersensibilité soit trop peu respectée par les adultes, elle est également proscrite chez les enfants entre eux. Qui n’a jamais vécu des réflexions désobligeantes comme « t’es nul si tu ne te défends pas, t’es nul si tu n’es pas costaud, t’es nul si tu pleures » … et j’en passe. En cours de récréation, la principale occupation, c’est la bagarre, la moquerie, la compétition n’est-ce pas ? Cela semble logique, par mesure de sécurité, de nombreux établissements ont réduit drastiquement les jeux, les enfants ne peuvent plus escalader, faire du vélo, jouer aux billes ni même s’échanger des cartes de collection. Et parce que les enfants sont notés, qu’ils sont punis s’ils aident un de leur camarade, la compétition a pris des proportions malsaines. La compétition entraîne le fait d’être la ou le plus fort(e) ce qui ne laisse plus beaucoup de place à quelconque sensibilité. Parfois, cette compétition est tellement malsaine qu’elle donne de mauvaises idées à certains enfants, l’envie de posséder plus, montrer une toute puissance pour être « bien vu » des autres, pour être reconnu leader au sein de la cour de récréation. Le racket est une des causes multiples de la phobie scolaire et la plupart du temps, l’enfant racketté n’osera pas en parler par peur des répercussions.

Et ce n’est pas tout : les lumières artificielles de certaines classes allumées toute la journée, des murs aux couleurs non appropriées peuvent agresser les hypersensibles. Imaginez, sur toute une journée ce que cela peut provoquer… Il est nécessaire d’aborder également le bruit, le bruit ambiant d’une classe, pire encore d’une cantine, d’un self. Malgré la volonté de quelques maires de palier à ce problème en effectuant des travaux qui permettent une moindre résonance, cela s’avère trop peu efficace.

A cela s’ajoute, parfois (trop souvent), le manque de bienveillance de la part des adultes voire même des maltraitances : ychologiques si ce n’est pas physiques que certains adultes exercent sur l’enfant. En temps normal, il est déjà très difficile de supporter ce type de maltraitances, parfois humiliantes, parfois angoissantes, …. Alors, imaginez l’état d’un enfant, d’un adolescent hypersensible qui subit ce type de violences jour après jour ! D’autant plus que ça ne s’arrête pas là, par mimétisme, les autres enfants vont imiter ces mêmes adultes maltraitants ! Qu’est-ce que j’entends par maltraitance me demanderiez-vous ? Celle-ci ne se cantonne pas au fait de frapper, de bousculer, cela va bien plus loin ! La maltraitance est un ensemble d’agissements physiques et moraux envers une personne. Un enfant qui n’a jamais reçu une gifle mais qui a entendu durant ces premières années de vie qu’il était nul, c’est de la maltraitance ! La distribution des évaluations avec la note annoncée devant toute la classe est une maltraitance ! Envoyer un enfant au coin est une maltraitance ! Faire faire des lignes sans se préoccuper si c’est douloureux pour la main de l’enfant est une maltraitance ! Interdire de récréation est une maltraitance. J’imagine que vous avez compris là où je voulais en venir. La maltraitance n’est donc pas uniquement physique, il ne s’agit pas simplement de prendre en considération les enfants roués de coups par leurs parents. Les autres subissent d’autres sortes de violences qui font tout aussi mal : ychologiquement.

Ce qui m’amène à aborder le sujet de la phobie scolaire. A fleur de peau, fragile, les larmes aux yeux, l’enfant hypersensible rentrera de l’école souvent mal en point. On mettra ça sur le compte de la fatigue la plupart du temps. Et puis, un jour, il refusera de se rendre à l’école. On constatera que la colère, la joie, la tristesse prendront des proportions démesurées. Et ça ne concernera pas uniquement le sujet de l’école. La phénomène pourra s’amplifier outre mesure. En obligeant l’enfant à se rendre à l’école, c’est courir le risque de déclencher des crises émotionnelles, une sorte de décharge. Rien y changera, ni même les mots doux de maman et papa, il sera dans l’incapacité de répondre aux questions du style « Que t’arrive-t-il ? Pourquoi tu pleures ? Pourquoi es-tu en colère ? » L’enfant sera tellement submergé par ses émotions, qu’il lui faudra un moment avant de pouvoir les comprendre et en parler. Par chance, si l’enfant accepte d’échanger sur la situation, cela ne veut pas dire que les angoisses vont disparaître. La plupart du temps, le malaise est bien réel, il est puissant et l’enfant continuera de refuser de se rendre dans son établissement le matin.

Chez l’enfant hypersensible, on peut lui proposer de dessiner une journée d’école, il s’avéra utile de l’analyser par la suite. En effet, il se peut que le dessin donne quelques pistes sur les problèmes rencontrés dans le cas où il serait dans l’incapacité d’expliquer ce qui lui transmet autant de peurs et de souffrances au moment d’aller à l’école. Parce qu’il est hypersensible et qu’il a la chance d’être souvent créatif, on favorisera ce type d’initiative pour connaître les raisons de son refus scolaire. Dans le cas d’un harcèlement, les enfants refusent souvent de s’exprimer de peur des représailles de la part des autres enfants qui lui auront fait comprendre que s’il raconte ce qu’il se passe, il passera un très mauvais quart d’heure. Et si le harcèlement provient d’un adulte, de l’équipe pédagogique, l’enfant aura peut-être du mal de savoir si ce même adulte a le droit de le faire (notamment en maternelle et en primaire) sauf si par chance, il reçoit une éducation positive et bienveillante à la maison auquel cas, il sera en mesure de comprendre que la façon dont l’adulte s’adresse à lui n’est pas adaptée.

Vous l’aurez compris, chez l’enfant et ado hypersensible, la phobie scolaire prendra des proportions encore plus importantes d’autant plus s’il est habitué à vivre au sein d’un foyer où le respect des uns et des autres est primordial.

Dans le cas où la phobie est déclenchée par l’hypersensibilité sensorielle et/ou visuelle, il pourrait sembler que ce soit plus simple à gérer. N’en soyez pas si sûr car il se pourra que des aménagements soient nécessaires au sein de la classe et/ou de la cantine et que pour un seul élève, la commune en charge des travaux au sein des établissements scolaires ne soit pas en capacité de remédier aux différents problèmes dans l’immédiateté. Il existe d’autres solutions adaptées à l’enfant, respectant ses besoins, limites (corporelles, notamment), ses valeurs, etc -que je vous invite à découvrir au sein de cet espace dédié à la déscolarisation.

Delphine Bessière, pour Pass éducation